Par M.Le Collinet et P.Barbot, à Créteil, le 5 Février 2016.
C’est dans l’ambiance chaleureuse d’une taverne contemporaine qu’Aude Hache, ancienne étudiante de la promotion 2015 du Master 2 professionnel Métiers de la Rédaction et de la Traduction, nous parle traduction et Heroic Fantasy [1]. Elle qui n’aurait jamais cru trouver une telle liberté dans un domaine spécialisé, c’est grâce au bouche-à-oreille et, selon ses dires, beaucoup de chance, qu’elle a pu effectuer son stage de fin d’études chez Victoria Game, distributeur officiel et exclusif de Privateer Press en France. Entre littérature et jeu de rôle, finalement, il n’y a qu’un pas…
Bonjour Aude, pourrais-tu te présenter en deux mots et nous résumer ton parcours ?
J’ai 26 ans et je me suis toujours considérée comme littéraire. J’ai suivi un petit parcours assez classique : bac L, BTS Tourisme, deux ans de Licence d’anglais suivi d’un an de Master traduction littéraire à l’Université Paris Diderot et finalement, mon Master 2 professionnel Métiers de la Rédaction et de la Traduction à Créteil. Je ne me présenterais plus comme une étudiante mais pas non plus comme une travailleuse. Mes études sont terminées, maintenant qu’est-ce que je fais ?
Pourquoi as-tu choisis le domaine de l’Heroic Fantasy ? Etait-ce un choix ou une solution de repli ?
C’est un choix, que j’ai fait il y a des années puisque je suis tombée dedans toute petite. J’ai toujours adoré la lecture ! Je lis beaucoup et l’Heroic Fantasy a toujours été un domaine qui me fascine particulièrement, du point de vue de la lecture mais aussi de la traduction à présent, parce que c’est un univers complètement libre. En respectant les codes qui régissent ce corps littéraire, on fait ce qu’on veut, on est complètement libres. Je trouve cela fascinant. Et puis la réalité n’est pas toujours amusante alors quand je lis, j’aime bien m’évader. (Rires)
Pendant ton stage, quelles ont été tes missions ?
Ma mission principale était la traduction de supports de vente. Dans le milieu du jeu de rôle, il y a sans cesse de nouvelles figurines avec de nouveaux pouvoirs. De nouveaux livres sortent très régulièrement, des livres qui détaillent les caractéristiques des figurines, et dans ces guides il y a aussi de petites nouvelles qui alimentent ce qu’on appelle dans le milieu le « fluff », c’est-à-dire le fil de l’histoire, toute l’histoire de ces petites factions qui se font la guerre. J’ai eu d’autres petites missions secondaires : la relecture et la réécriture d’une traduction amateur… Elle était très mauvaise !
Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées concernant la traduction dans un domaine spécialisé ?
La principale difficulté ne vous surprendra pas, c’était tout ce qui était lié au contexte : j’entrais dans le monde du jeu de figurines, c’est-à-dire que j’apprenais qu’il y avait des gens qui jouaient avec des figurines peintes, montées, etc.. En plus, c’est un jeu qui est vraiment très complexe, c’est vraiment un monde à part entière, tout comme le fluff qui l’entourait. J’entendais parler de textes sur des « Man-O-War » sur des races, des noms de races, et des noms de robots improbables et que je ne connaissais absolument pas. Et justement, ça allait de pair avec ma plus grande difficulté : malheureusement il y avait beaucoup de choses qu’on ne traduisait pas. Les figurines étaient vendues avec le packaging américain, donc un Man-O-War restera un Man-O-War et c’est bien dommage. Par exemple, il y a une figurine nommée « Butcher of Khardov » alors on écrit normalement : « dans l’attente du Butcher of Khardov » pas le boucher non, surtout pas !
C’était quand même très perturbant et ça m’a manqué de ne pas me creuser la tête sur des petites trouvailles comme celle-ci parce que, finalement, c’était là la seule vraie difficulté, faire une espèce de bouillie franglaise. C’était à la fois très frustrant et très déroutant.
Quelles ressources as-tu utilisées pour pallier ce genre de problème ?
Ma principale ressource a été les livres qui avaient déjà été traduits et qui m’ont permis de me renseigner sur le contexte. C’était la seule chose qui me manquait. J’en ai lu beaucoup, mais pas tous d’une traite. Bien souvent l’histoire se répartissait par livres de différentes factions, alors je lisais au fur et à mesure.
As-tu utilisé Trados [1], par exemple ?
Oui, beaucoup ! Et tout de suite ! On ne l’avait pas étudié pendant l’année de master 2. On m’a donc lancée directement dessus et j’ai ainsi pu bénéficier de la grande mémoire de traduction que mon maître de stage avait déjà constituée. Heureusement, cela m’a beaucoup servi ! Mon maître de stage m’a montré les choses les plus simples, les fonctionnalités les plus basiques et j’ai découvert les autres au fur et à mesure comme j’ai pu. En demandant. Je ne traduisais pas très vite au début, cela me ralentissait pas mal, mais après, ça s’est très bien passé. C’est un très bon logiciel, intuitif et pas très compliqué une fois qu’on a saisit le principe.
Quels conseils pourrais-tu donner à des étudiants en recherche de stage, particulièrement dans le domaine de la traduction ?
Mon conseil serait d’avoir du bon sens. Prenez vos livres préférés, regardez la maison d’édition et contactez-les. Je dirais aussi de faire attention à ne pas se fermer de porte ! Parce qu’en faisant ce type de traduction [jeux de rôles ndlr.], je me suis rendu compte que la traduction n’était pas limitée aux maisons d’édition ou aux boîtes de traduction indépendantes. Il faut chercher des pistes auxquelles on n’aurait pas pensé au départ. Il y a plein d’autres domaines où l’on a besoin de traducteurs. Par exemple, pour des brochures touristiques en multilingues ou des sites de musée. On peut y faire de très bons stages. Cela dépend du genre de traduction que l’on veut cibler. On trouve le moyen de s’amuser en traduction dans plein de domaines différents. Je n’aurais pas pensé prendre autant de plaisir à traduire quelque chose qui n’était pas de la littérature !
[1] Genre littéraire anglo-américain qui mêle, dans une atmosphère d’épopée, les mythes, les légendes et les thèmes de récit fantastique et de la science-fiction.
[2] Logiciel de TAO (Traduction Assistée par Ordinateur)