Le rituel politique en discours
séminaire du Céditec, 12 juin 2015, 10h-17h
Bâtiment des Sciences Economiques et de Gestion – Mail des Mèches
matin : salle 302
après-midi : salle Keynes
Séminaire organisé par Loïse Billat (Unil) et JM. Leblanc (Upec – CEDITEC)
Cette journée d’étude, en amont de la préparation d’un numéro de revue sur le rituel politique, souhaite favoriser le dialogue entre plusieurs disciplines traitant chacune du rite en lien avec l’exercice du pouvoir. Cette journée d’étude souhaite creuser le rituel politique dans une perspective d’analyse du discours (à la suite par exemple de l’ouvrage sur le discours épidictique La mise en scène des valeurs : la rhétorique de l’éloge et du blâme, sous la direction de Marc Dominicy et Madeleine Frédéric, Jean-Michel Adam et alii) tout en incluant les contributions d’approches ou disciplines comme l’anthropologie, l’ethnographie, l’ethnométhodologie ou encore la sociologie politique. Néanmoins, toutes les communications devront prendre en considération la dimension énonciative du rituel politique et l’articuler à leur perspective théorique. Par rituel politique, nous entendons une pratique politique au sens large, citoyenne, fortement codifiée ou en cours de codification, qui peut se réaliser dans une pluralité de contextes : manifestations politiques, réunions délibératives, meetings partisans de plus ou moins grande importance, Assemblées Générales, allocutions lors de mobilisations (cortèges, grèves, mouvements sociaux), débats, allocutions présidentielles ou ministérielles à l’Assemblée nationale, télévisuelles, en public. Parmi les communications envisagées, les rituels « en devenir » ou « en train de se faire » sont fortement encouragés. Grâce notamment à l’internationalisation des mouvements protestataires au XXIème siècle et à internet, nous pouvons en effet remarquer des formes ressemblantes de prises de parole et de contexte d’énonciation comme c’est le cas pour le mouvement occupy, qui à la suite des Indignés espagnols, mettent en place des prises de parole publiques se réclamant de la démocratie « radicale » (Le Principe démocratie. Enquête sur les nouvelles formes du politique, Laugier, Ogien, 2014). Voit-on apparaitre des pratiques ritualisées dans ces mouvements horizontaux remettant en question la représentation politique et plus largement dans les multiples processus de « démocratie participative » ?
Cette journée se veut l’occasion de discuter la définition du rituel politique dans ses différents contextes socio-historiques, entre récurrences et discontinuités : Quelles sont les spécificités du rituel ? Pourrions-nous en proposer une définition qui soit généralisable à toutes les pratiques ritualisantes en politique ? Comment de nouveaux types de rituels apparaissent-ils ? Existe-t-il une pratique politique totalement indépendante d’éléments ritualisants, de mises en scène de la démocratie, de l’expertise, du pouvoir, ou de la participation ? Si les rituels sont codifiés de manière « rigide et immuable » pour légitimer le pouvoir, comment les citoyennes et citoyens peuvent-ils les investir ? Comment donner une modalité de sincérité à un rituel qui apparait comme un canevas préétabli ? Que se passe-t-il lorsque le rituel « échoue » ?
Résumés des interventions
Le discours de meeting électoral, entre rituel républicain et impératifs de médiatisation – Raphaël Haddad
Cette présentation est un état d’avancement d’une thèse portant sur le discours de meeting électoral démarrée en septembre 2011 à l’Université de Créteil sous la direction de Caroline Ollivier-Yaniv, et que je mène depuis l’origine en parallèle d’une activité de conseil en communication.
J’ai du opérer à une sélection des aspects qu’il me semblait important d’évoquer avec vous dans le temps imparti. Aussi, je vous propose d’intervenir pour 30 min en 3 directions.
En guise d’introduction, je rappellerai ce que l’analyse du discours a pu déjà dire du discours de meeting électoral.
Ensuite, je m’intéresserai au meeting électoral en tant que fait social, en rappelant ce que la sociologie politique et l’anthropologie politique ont pu en dire. Je montrerai comment le meeting électoral tente d’articuler tradition et modernité, ou plus précisément respect du rituel d’affrontement républicain d’une part et nécessités de sa médiatisation par des moyens divers d’autre part. Sur la base de cette hypothèse, je m’intéresserai plus particulièrement au succès des meetings sur la voie publique initiés par Jean-Luc Mélenchon en 2012 et qui, par mimétisme organisationnel se sont propagés à l’ensemble des formations politiques pendant la dernière élection présidentielle française.
Enfin, j’essaierai d’observer les manières dont ces deux dimensions, celle du rituel et celle de la médiatisation s’observent en discours. J’ai choisi de circonscrire notre observation sur un aspect du discours de meeting : ce que nous appelons «la formule d’adresse » en la situant notamment par rapport à la fonction rhétorique de l’exorde.
Exploration textométrique dans les « Causeries radiophoniques » de Pierre Mendès : parcourir le banal pour inférer le spécifique – Julien Bonneau
Le 11 novembre 1944, Pierre Mendès France – alors ministre de l’Economie nationale du Gouvernement provisoire – expose pour la première fois son « intention de revenir ici vous parler à intervalles réguliers pour vous indiquer les objectifs (…) la manière de les atteindre – et aussi pour vous tenir au courant (…) des résultats obtenus » (Mendès France, 1985, p. 75). Il entame ainsi son premier cycle de « causeries radiophoniques » – 20 interventions radiophoniqes qu’il instaure en « rituel » (Charaudeau & Maingueneau, 2002) réparties entre ce 11 novembre 1944 et le 6 janvier 1945 ; expérience qui se reproduira 10 ans plus tard lors de son mandat de Président du Conseil des ministres de la IVe République – avec 25 interventions supplémentaires entre le 26 juin 1954 et le 29 janvier 1955.
Souhaitant interroger le code et sa codification, nous décrirons les caractéristiques génériques de ces « causeries » et leur évolution diachronique en nous appuyant sur le corpus des Oeuvres Complètes de Pierre Mendès France. Pour ce faire, nous rechercherons les fonds et les formes sémantiques (Rastier, 2011) de ces interventions que nous définirons respectivement comme les régularités et les ruptures (Rastier, 2007) dans les réseaux cooccurrentiels (Mayaffre, 2014) des intertextes constitués (Bonneau, 2012) ; le sens étant le produit du contraste entre ces deux positions.